Le droit à la vie privée arrête t-il aux frontières ?

Laptop of brushed steel with Blue Passport and Airline tickets. Blue Screen with world map. Non-Country golden Blazon.

Auteure: Lorraine Pilon, étudiante au cours DRT-6929E-A

Dans la foulée des nouveaux décrets du Président américain concernant l’immigration, l’administration américaine par la voie de son secrétaire du « Department of Homeland Security » lors d’audition au Congrès ou de ses représentants du Département d’État ont fait savoir que les États-Unis désiraient mettre en place une exigences forçant les visiteurs a fournir leur mots de passe et leurs contact pour passer la frontière américaine. Cette exigence viserait à permettre au gouvernement américain de vérifier l’historique de navigation et l’utilisation des média sociaux de toute personne voulant entrer aux Etats-Unis.

Cette façon de faire pose d’importantes questions en matière de vie privée. Ainsi, le droit à la vie privée devrait-il s’arrêter aux frontières ?

Bien que les constitutions canadienne et américaine ne mentionnent pas spécifiquement le droit à la vie privée, ces deux documents font tout de même mention d’une protection contre les fouilles abusives (art.8 Charte canadienne des droits et liberté et 4ième amendement à la constitution américaine).

En droit américain le 4ième amendement fait l’objet d’une exception (“Border search exception”) que la Cour Suprême définie comme suit dans l’arrêt Ramsey :

Border searches, then, from before the adoption of the Fourth Amendment, have been considered to be “reasonable” by the single fact that the person or item in question had entered into our country from outside. There has never been any additional requirement that the reasonableness of a border search depended on the existence of a probable cause.

 

En 2008, la Cour d’appel fédérale américaine (9th circuit) est venue confirmer l’application de cette exception au matériel informatique (ordinateur, téléphone etc.) dans la mesure ou cette fouille demeure une fouille superficielle. Cette même Cour fédérale d’appel s’est repenchée sur la question en 2013 dans l’arrêt Cotterman (la Cour Suprême des États-Unis a rejetée la demande d’appel). Dans cet arrêt la Cour d’appel fédérale est venue nuancer sa position en reconnaissant le caractère spécial des outils électroniques :

The nature of the contents of electronic devices differs from that of luggage as well. Laptop computers, iPads and the like are simultaneously offices and personal diaries. They contain the most intimate details of our lives: financial records, confidential business documents, medical records and private emails. This type of material implicates the Fourth Amendment’s specific guarantee of the people’s right to be secure in their “papers.” ….  A person’s digital life ought not be hijacked simply by crossing a border. When packing traditional luggage, one is accustomed to deciding what papers to take and what to leave behind. When carrying a laptop, tablet or other device, however, removing files unnecessary to an impending trip is an impractical solution given the volume and often intermingled nature of the files.

Ainsi, la Cour conclut que la fouille de l’ordinateur de Cotterman allait plus loin qu’une simple fouille superficielle et devait répondre aux exigences de raisonnabilité.

Au Canada, les tribunaux ne semblent pas s’être prononcé sur cette question. Cependant, l’Agence des services frontaliers du Canada ont adoptés la même position que les américains soit la possibilité de fouiller le matériel informatique sans motif et d’exiger de toute personne qu’elle fournisse leur mot de passe.

A prime abord les nouvelles règles proposées vont cependant plus loin qu’une fouille superficielle en exigent un « download » de l’information et en permettant un accès continue après la fouille sans limite de temps dans l’historique de navigation. La conservation de l’information entraine aussi un questionnement sur l’utilisation potentielle et la protection de l’information en rapport a des secrets commerciaux ou au secret professionnel. Bien que l’état ait un intérêt légitime dans la protection de son territoire, son droit à obtenir les « intimate details » des voyageurs sans raisons raisonnables ne semble pas absolu. L’émergence des outils électroniques et leur capacité à emmagasiner de l’information créent une plus grande expectative de vie privée dont doit tenir compte l’état dans sa quête d’information. Il resterait donc, pour l’instant, tout de même un peu de vie privée à la frontière!

This content has been updated on February 14, 2017 at 18 h 44 min.