Réseaux sociaux et lutte contre le terrorisme

Auteur: Guerlain Casimir, Étudiant au cours de DRT6929E

En date du 5 février 2016, la Compagnie Twitter Inc. a diffusé un communiqué traitant de ses actions en matière de lutte contre l’utilisation de son réseau à des fins de promotion d’activités terroristes. Twitter a déclaré avoir suspendu 125 000 comptes pour ces motifs depuis la deuxième moitié de 2015. C’est par l’entremise de programmes automatisés et de ses agents, qu’elle a passé en revue de nombreux comptes qu’elle a considérés comme étant «suspects».

Cette annonce survient dans un contexte bien précis. En effet, le 20 janvier 2016 a eu lieu, dans le Silicon Valley, château fort des entreprises technologiques américaines, un sommet entre des représentants des hautes instances américaines de renseignements, incluant la Maison Blanche, le FBI, la NSA et le National Intelligence Agency, et des grandes entreprises technologiques dont Twitter, Facebook, Apple, Google et Microsoft. Il a principalement été question des stratégies et mécanismes qui pourraient être mis en place afin de rendre plus difficile l’utilisation des médias sociaux à des fins de recrutement et de propagande terroriste, dont l’utilisation de messages cryptés, une problématique aux yeux des autorités gouvernementales américaines.

Suite aux attaques du 2 décembre 2015 à San Bernardino aux États-Unis, le président américain Barack Obama a parlé, lors d’un discours à la nation, du rôle d’internet et des médias sociaux dans la propagation de l’idéologie terroriste :

…as the Internet erases the distance between countries, we see growing efforts by terrorists to poison the minds of people like the Boston Marathon bombers and the San Bernardino killers.

Le 8 décembre 2015, la sénatrice démocrate Dianne Feinstein appuyée du sénateur républicain Richard Burr, ont introduit au Sénat un projet de loi nommé : A bill to require reporting of terrorist activities and the unlawful distribution of information relating to explosives, and for other purposes qui obligerait, si adopté, les entreprises technologiques à rapporter aux forces de l’ordre, toute connaissance d’activités terroristes. Bien qu’il soit spécifié dans ce texte que ce projet ne créerait pas d’obligation pour les entreprises technologiques de surveiller leurs utilisateurs ou le contenu qu’ils publient, il est évident qu’il validerait une atteinte aux droits du respect à la vie privée et à la liberté d’expression, dans la mesure où des renseignements personnels fournis à l’entreprise technologique ou recueillis par celle-ci (pensons à l’adresse courriel ou au numéro de téléphone par exemple) pourraient être transmis à des tiers, en l’occurrence les autorités gouvernementales. C’est ce qu’a indiqué Mark MacCarthy, vice-président aux politiques du Software & Information Industry Association (SIIA), en marge du dépôt de ce projet de loi:

The desire to do something, particularly in the wake of recent attacks, should not lead Congress to put more innocent people under government surveillance, without any evidence it would make us safer

Le fait d’inclure une obligation légale dans ce projet de loi, créant une responsabilité en cas de manquement, n’est pas négligeable pour ces entreprises. Le gouvernement américain a déjà réagi à des attaques terroristes par les armes législatives. L’exemple le plus médiatisé a été l’introduction, le 26 octobre 2001, du Patriot act, en réaction aux évènements du 11 septembre 2001, qui a également soulevé de nombreuses questions quant à l’importance des questions de sécurité nationale par rapport au respect du droit à la vie privée.

Devrait-on légiférer pour créer des obligations de surveillance ou plutôt laisser le soin aux citoyens corporatifs et aux internautes de dénoncer les activités non-conformes aux politiques d’utilisation des sites de réseaux sociaux? Le débat est bel et bien lancé.

En plein cœur d’une guerre ouverte contre les idéologies terroristes, les dirigeants de réseaux sociaux sont confrontés à une situation délicate. D’un côté, ces entreprises se veulent les porte-étendards de la libre expression et de l’autre, ils ont le devoir de réduire au minimum, voire même d’éliminer, le nombre de publications non-conformes de leurs utilisateurs. Il semble que ce soit dans cette foulée que Twitter a fait sa déclaration du 5 février 2016 en déclarant être en mesure de contrer l’avancement des idéologies terroristes sur son réseau sans qu’une loi ne l’oblige à le faire, évitant ainsi de s’exposer aux responsabilités créées par une loi. Fait intéressant, cette annonce de Twitter coïncide à trois jours près avec le vingtième anniversaire de l’entrée en vigueur du Telecommunication Act de 1996 qui restreint la responsabilité des plateformes sociales en ligne quant au contenu publié.

This content has been updated on February 11, 2016 at 22 h 03 min.