Google enrichit ses bases de données NOW !

Auteur: Raphael Pallanca, Étudiant au cours de DRT6929E

Google Now, c’est l’application prédictive du géant de la Silicon Valley du même nom qui délivre « la bonne information au bon moment » selon ses concepteurs.

Pour Google, cette application permet à l’humain de se décharger des informations qu’il doit intégrer chaque jour. Cela va du rappel d’acheter des fleurs pour un anniversaire tout en indiquant où se trouve le fleuriste le plus proche au rappel d’un rendez-vous en fonction de la distance à parcourir, de la météo et du trafic routier.

Pour se faire, l’assistant personnel Google Now collecte, analyse et croise les données personnelles de son utilisateur pour apporter des recommandations à ce dernier. Ainsi pour obtenir « la bonne information au bon moment », il faudra accepter que vos informations personnelles soient analysées et stockées dans les serveurs de Google.

Jusqu’à présent, l’appli s’appuyait sur les données recueillies dans les services Google (Maps, Gmail, Search) pour apporter à son utilisateur une information sans qu’il la demande directement. Désormais, ce sont des informations issues de plus de 40 applications tierces que Google pourra exploiter via son application dont Shazam, eBay ou TripAdvisor. Cette nouveauté sera déployée pour tous les utilisateurs du service dans les prochaines semaines selon Google.

Ces nouveaux partenariats permettront à Google d’améliorer la précision de son service. Des nouvelles musiques pourront être suggérées à son utilisateur en fonction de ses préférences musicales ou une « carte » pourra lui être envoyée lorsque son artiste -détecté comme- préféré sera en concert dans sa ville par exemple. Également et surtout, ces nouveaux partenariats permettront de collecter une énorme masse de données personnelles sur les habitudes des utilisateurs. Masse de données qui étaient auparavant inaccessibles car exploitées par d’autres applications.

Quand nos applis trahissent notre entité

Si des informations personnelles prises indépendamment l’une de l’autre ne sont pas toujours pertinentes, il en va différemment en cas de concentration de celles-ci. Nos données sont une extension de nous-mêmes. Ainsi par l’analyse algorithmique des informations recueillies auprès de ses nouveaux partenaires, Google Now -qui connaissait ses utilisateurs mieux que leur propre famille- connaîtra ces derniers mieux qu’eux-mêmes se connaissent. L’analyse de nos données et de nos navigations web peut indiquer où nous sommes, avec qui nous sommes, notre orientation politique ou sexuelle, notre état de santé et autres sujets qui nous concernent personnellement.

La centralisation des données personnelles

Le débat autour du contrôle et de la gestion de ses propres données est donc relancé. Nous pouvons nous interroger sur les conséquences d’une telle centralisation de données entre les mains d’un seul acteur. Qu’adviendra-t-il si cet opérateur rencontre des difficultés économiques ? À quelles fins nos données vont-elles être utilisées (marketing ? marchandising ?) Qui y aura réellement accès (services gouvernementaux ? Institutions bancaires ?) Combien de temps vont-elles être conservées ?

Les données personnelles au service de la maximalisation des profits

Aujourd’hui on paie des biens et des services avec nos données, qui sont ensuite vendues contre de la publicité. « Quand c’est gratuit, vous êtes le produit ». C’est une nouvelle forme d’économie que certains appelleront une « nouvelle forme de capitalisme ». En collectant encore plus de données personnelles sur ses utilisateurs, Google s’immisce un petit peu plus dans l’intimité de ces derniers ce qui lui permet d’affiner le ciblage comportemental. Les géants de l’internet utilisent les informations collectées via leurs algorithmes pour les revendre a d’autres sociétés qui elles, vont soumettre aux internautes des publicités personnalisées, adaptées a chacun d’eux en fonction de « leurs envies » et ainsi générer des profits.

Il est important que ces acteurs soient considérés comme des acteurs économiques rationnels, qui recherchent un but économique. Le risque serait de les considérer uniquement comme des innovateurs qui rendent notre vie meilleure sans rechercher le profit.

On devrait traiter la Silicon Valley avec la même suspicion que Wall Street .

Le dicktat des données personnelles

Dans cette logique capitaliste, qu’adviendrait-il si les opérateurs détenteurs de données personnelles décidaient de vendre ces dernières au plus offrant ? Les institutions bancaires pourraient faire varier leurs taux d’intérêt voir refuser des crédits en fonction du nombre de « mauvais payeurs » que fréquentent leurs clients. Les compagnies d’assurances évalueraient quant à elles « l’hygiène de vie » de leurs assurés etc.

Vers le Big Data des émotions

Du big data des données personnelles nous nous dirigeons vers celui des émotions. L’affective computing ! C’est le fait de mesurer les réactions du corps pour y déceler les émotions les plus intimes. Il s’agit d’un domaine informatique dans lequel de nombreuses startups se lancent (Affectiva, Emotient, RealEyesit). Les publicitaires et autres prestataires de services accordent beaucoup d’intérêt à ces nouveaux algorithmes pour renforcer le contenu de leurs offres. Or, peut-on appréhender les émotions des individus sans leurs accords et s’en servir pour les assujettir à certains produits de consommation ?

La règlementation algorithmique

La question posée en sus pose le problème de ce que la chercheuse Antoinette Rouvroy appelle « la gouvernance algorithmique ». Les algorithmes décident à notre place, à terme, le risque serait qu’ils prennent le pas sur le politique et privent l’utilisateur d’outils connectés de tout libre arbitre et de toute spontanéité.

Ainsi, il semble important de consacrer législativement le droit de contrôler la manière dont nos informations -voir nos émotions- sont utilisées et stockées par les géants d’internet et de continuer à sanctionner les manquements au droit à l’oubli.

This content has been updated on February 9, 2015 at 13 h 28 min.